Après plusieurs reports, le Sénégal, à l’instar des autres Etats de l’Uemoa, entend basculer dans le budget programme à partir du 1er janvier. Ceci marque ainsi l’un des points essentiels de la mise en œuvre la réforme des finances publiques au sein de l’espace consacrant notamment la déconcentration de l’ordonnancement, la gestion axée sur les résultats, l’élaboration de programme annuels de performances ou les rapports annuels de performances. Après avoir annoncé en grande pompe sa mise en ouvre, l’année dernière, le gouvernement sénégalais a dû reconsidérer sa position due à la survenance de la crise sanitaire liée au coronavirus. Dès l’exercice budgétaire de 2021, les autres ministères devraient devenir des ordonnateurs principaux des crédits, des emplois et des matières de leurs départements. En d’autres termes, ils auraient le pouvoir d’engager, de liquider et de mandater eux-mêmes les dépenses de leur ministère. « C’est un changement historique que nous allons connaître », se réjouissait l’argentier de l’Etat, Abdoulaye Daouda Diallo en marge de la présentation du projet de loi de finances, le 7 octobre 2020. Jusqu’ici, seul le ministre chargé des Finances détenait ce pouvoir.
Cette plus grande liberté dans la gestion du budget conférée aux membres du gouvernement entraine en contrepartie une responsabilité accrue, et un encadrement strict des procédures. Après avoir « raté » le virage du basculement en 2020, certains s’attendaient à ce que la loi de finances 2021 soit totalement déroulée en format programmes. Mais que nenni ! En lieu et place, l’Etat a opté pour une démarche prudente dans la mise en œuvre du budget programme. Du moins c’est l’ambition exprimée par l’argentier de l’Etat qui, lors des travaux de commission à l’assemblée nationale, en prélude à la session budgétaire, réaffirmait la volonté de l’Etat d’aller progressivement vers l’application des nouvelles réformes des finances publiques. Concrètement, il annonce que seuls 39% du Budget qui seront déconcentrés au 1er janvier 2021. Cette approche circonspecte de l’Etat peut être justifiée par le fait que ces réformes sont une nouveauté aussi bien pour les administrations de tutelle (ministères) et beaucoup de cadres de la fonction publique, notamment ceux-là qui sont en charge de l’administration des crédits. D’où l’intérêt d’adopter une stratégie visant à appliquer graduellement le budget programme dans tous ses contours.
En attendant l’adoption effective, les dépenses particulièrement sensibles continuent d’être ordonnancées au niveau du ministère des Finances et du Budget. Il en sera ainsi des dépenses de personnel et des charges communes ainsi que des dépenses d’investissement sur ressources extérieures. Le ministre chargé des Finances continue d’être le régulateur principal du budget et l’unique ordonnateur des recettes. Toutefois, le caractère prudentiel brandi par le ministère des Finances et du Budget ne doit guère empêcher d’accélérer l’implémentation des innovations liées au budget programme dans nos finances publiques afin de mettre notre pays aux standards communautaires de l’Uemoa. Il urge, à cet effet, d’accompagner tous les autres ministères concernés par la déconcentration dans le cadre de la mise en œuvre de ces réformes. Il est autant nécessaire pour l’argentier de l’Etat d’apporter son expertise aux autres ministères sectoriels, notamment dans l’identification des indicateurs de performance et dans l’élaboration des projets et rapports annuels de performance (Pap et Rap).
De l’expression des besoins à la préparation du budget en passant par le vote, l’exécution budgétaire (engagement, liquidation, ordonnancement et paiement) et la soumission de la loi de règlement, il est important de former les administrateurs de crédits sur toutes ces étapes qui seront touchées par ces réformes. Il en est de même pour la représentation nationale qui mérite de véritables sessions de renforcement de capacité en matière de budgétisation en format programmes. Son rôle dans cette transition est décisif. Au regard de ces nombreux enjeux autour du budget-programme avec tout son lot d’implications sur la gestion des finances publiques, le contrôle parlementaire apparait, dans ce cas, plus que jamais nécessaire.
Par Abdou DIAW, Journaliste économique