Le réseau mondial Femmes dans l’Emploi Informel: Globalisation et Organisation (WIEGO, par son acronyme en anglais) en collaboration avec des organisations partenaires locales représentant des travailleurs de l’informel, a rendu public son étude sur : « La crise de la Covid-19 et l’économie informelle : récupérateurs de déchets en emploi informel à Dakar, Sénégal ». Elle révèle que 97% des récupérateurs de Mbeubeuss ont déclaré que leur revenu total avait diminué en juin par rapport à la période pré-covid.

« Ce projet est mis en œuvre à Dakar par Weigo qui est un réseau mondial qui appuie et accompagne les travailleurs du secteur informel surtout les femmes. Le projet a démarré en 2018. Depuis 2018, nous sommes en train d’accompagner les récupérateurs mais l’année dernière avec  la pandémie, on s’est arrêté un peu pour faire une étude d’impact sur comment la pandémie  impacté les travailleurs récupérateurs. Et on a constaté en fait, il y a une baisse  drastique  du revenu. Ils n’ont eu aucun soutien de l’Etat en termes  d’aide alimentaire. On a constaté que 11% des 100 récupérateurs, ont bénéficié de  l’aide alimentaire, ça était une préoccupation, ils vivaient même les mêmes situations que les autres secteurs et pourtant durant toute la pandémie, ils ont continué à travailler », a affirmé M. El Hadji Maquette Diop, coordonnateur du projet réduction des déchets dans les villes côtières entre Dakar Accra Buenos Aires.

D’après M. Diop,  on peut considérer ce travail -là comme un travail essentiel.  Et l’autre aspect, selon lui, les récupérateurs  disent qu’on doit les considérer comme des travailleurs, comme des travailleurs environnementaux parce qu’ils donnent beaucoup pour l’environnement.

« Il y a  2000 et 2500 tonnes de déchets par jour et en fait, ils arrivent à récupérer beaucoup de ces déchets pour les rendre productifs. Les femmes ont été beaucoup plus impactées, il y avait la baisse des revenus mais aussi le travail non énuméré aussi a augmenté », dira-t-il.

Constats

« En juin 2020, 97 % des récupérateurs déclaraient que le revenu total de leur ménage avait fortement diminué à cause des mesures barrières pour faire face à la COVID-19 et de leur impact sur la chaîne d´approvisionnement du recyclage. Malgré l´assouplissement de ces mesures restrictives, les revenus des récupérateurs restaient toujours en deçà des niveaux pré-COVID-19 constatés en février 2020 », révèle l’étude.

D’après l’étude, en l’absence de soutien économique et de protection sociale soutenus, ces effets peuvent constituer à l’avenir, dans l’optique du redressement de leurs moyens de subsistance, des obstacles immenses.

« En juin 2020, 28 % des ménages ont déclaré avoir eu faim au cours du mois précédent, mais seulement 11 % ont bénéficié d’aide alimentaire auprès du gouvernement. Moyens de subsistance menacés », explique-t-on dans l’étude.

Et l’étude de souligner : « La première préoccupation chez les récupérateurs, au-delà des craintes liées à la maladie, est la non-inclusion dans la prise de décisions autour de la gestion des déchets solides et du déploiement du Projet de Promotion de la Gestions intégrée et de l´Économie de Déchets Solides au Sénégal (Promoged) ».

Impacts sur le travail

D’après l’étude, en avril, 94 % des travailleurs continuaient à travailler en dépit de la crainte de la maladie.  

« En juin, même si la plupart des personnes interrogées ont continué à travailler, une part plus importante de récupératrices que de récupérateurs n’a pas pu poursuivre leur activité (9 % et 15 % des récupératrices en avril et juin comparativement à 3 % des récupérateurs). En juin, les principales raisons de cette entrave, selon les récupératrices, se résument à ceci : perturbations du marché (50 %) ; responsabilités ménagères et soin au foyer (43 %) ; problèmes de transport (14 %) ; et craintes liées à la santé (14 %) », note l’étude.

Et l’étude de rajouter : « Chez les récupérateurs, les raisons tiennent au soin au foyer (38 %), aux perturbations du marché (25 %), aux préoccupations liées à la santé (13 %), aux mesures barrières (13 %) et aux problèmes de transport (13 %). 

Toujours d’après la source, les mesures mises en place pour éviter la propagation du virus, ainsi que les horaires d’opération de la décharge établis en janvier 2020 par l´Ucg, ont eu un impact sur la chaîne d’approvisionnement des matériaux recyclables et, de ce fait, sur le temps de travail des récupérateurs à Mbeubeuss par rapport au nombre de jours travaillés lors de la période pré-Covid.

Revenus  

« 68% de récupérateurs gagnaient moins de 5000F par jour en février, avant Covid-19. 97% de récupérateurs ont déclaré que le revenu total de leur ménage avait diminué en juin par rapport à la période pré-covid », renseigne l’étude.

D’après l’étude, les revenus médians des récupérateurs en avril et en juin ne représentaient que 46 % et 51 %, respectivement, du revenu médian de février 2020, avant la COVID-19. Et en particulier, les revenus médians des hommes en avril et juin s’élevaient, respectivement, à 67 % et 34 % de leur revenu médian de février tandis que les revenus médians des femmes se fixaient à 53 % et 50 % du niveau de février 2020.  

Besoins et demandes des récupérateurs de déchets en emploi informel

« Les récupérateurs de déchets, par leurs activités, contribuent immensément à l´environnement et au bien-être des dakarois.  Mais, à l’heure où la récupération est devenue une activité valorisante, les récupérateurs risquent d’être les perdants face à la nouvelle donne malgré le fait que ces travailleuses ont su créer à travers cette activité des emplois qui font vivre plusieurs milliers de personnes », note l’étude.

D’après l’étude, au titre des mesures d’urgence voulues à Mbeubeuss, les récupérateurs demandent aux autorités locales et nationales de prendre en compte, en termes de soutien, les besoins urgents énoncés comme suit : «  Les mairies de Malika, de Keur Massar et de Tivaouane Peulh devraient fournir une aide alimentaire à l’intention des récupérateurs de Mbeubeuss durement touchés par la pandémie ;  L´Ucg devrait assurer aux récupérateurs l’accès à l’eau potable et à des toilettes mobiles ;  L’Ugc  devait revenir sur la décision unilatérale consistant à opérationnaliser la décharge la nuit dans la mesure où cela nuit aux récupératrices, crée de l’insécurité et réduit considérablement les revenus des récupératrices qui ne pourront pas suivre cette nouvelle formule ;  le Ministre du Commerce et des Petites et Moyennes Entreprises devrait jouer un rôle d’arbitre dans la détermination des prix des matériaux comme le fer et le plastique, ce qui pourrait accroître, stabiliser et sécuriser les revenus des récupérateurs de déchets ».

D’après la source, en somme, la stratégie de redressement à poursuivre se compose des axes suivants :  Reconnaissance des récupérateurs de déchets en tant que travailleurs essentiels et environnementaux dans le système de gestion des déchets ;    Le Code du Travail devrait comprendre la catégorie « travailleurs environnementaux » ;   Il y a lieu de formaliser les relations entre les récupérateurs membres de  « Bokk Diom » et l’Ugc par la voie d’un accord qui définirait les responsabilités des parties à la décharge de Mbeubeuss et dans la mise en œuvre du Promoged, « Bokk Diom » étant reconnue en tant qu’interlocutrice principale des récupérateurs à Mbeubeus.