Dans le cadre de l’animation scientifique de la Bibliothèque Bineta Diop du Lycée Blaise Diagne de Dakar, dédiée à la documentation sur les femmes, l’Association Sénégalaise des femmes diplômées des Universités (ASFDU) a convié le mardi 21 mars 2023 des élèves de plusieurs lycées de Dakar autour d’une rencontre de sensibilisation et d’éduction sur « les enjeux du numérique dans l’éducation des filles ».

La rencontre qui s’est tenue en présentiel et en ligne dans l’enceinte de la bibliothèque Bineta Diop dédiée à la documentation sur les femmes, un espace symbolique en ce mois de mars dédiée aux droits des femmes,  a été présidée par Mme la présidente de l’Association Sénégalaise des Femmes Diplômées des Universités (ASFDU) Mme Marième Diop Dièye. Elle vise selon la Présidente de l’ASFDU, à promouvoir et à encourager la participation des filles dans le numérique en lien avec le thème choisi par   l’ONU Femmes pour célébrer La Journée internationale de la femme (JIF) édition 2023 : « Pour un monde digital inclusif: innovation et technologies pour l’égalité des sexes ». De façon spécifique, cette activité scientifique organisé avec le soutien de La Fondation Heinrich Böll, a pour objectifs de sensibiliser les filles sur les avantages et les inconvénients du numérique, de favoriser le leadership des filles à travers le numérique et de les sensibiliser sur la protection des données à caractère personnel.

L’occasion a été saisie par les organisatrices pour inventorier avec un groupe d’élèves venant de différents lycées de Dakar, les avantages du numérique dans l’éducation des filles, d’identifier les risques et menaces auxquels sont exposées les jeunes filles. Elle a permis de cerner les conséquences sur elles et sur leur scolarité et d’explorer les voies et moyens pour se prémunir contre les risques et menaces inhérents à l’usage des TICs et d’encourager une utilisation efficiente et judicieuse du numérique par les élèves. Ces derniers ont partagé des expériences négatives qu’ils ont vécues : des menaces, intimidations, moqueries, chantages et autres harcèlements.

Insuffler une culture numérique aux filles dès le bas-âge

Les violences faites aux femmes via le numérique sont un problème grave et croissant dans notre société actuelle. En même temps, il a été admis que le numérique est un aspect important pour les femmes notamment dans leur émancipation. Les femmes sont souvent victimes de harcèlement, de menaces et d’abus en ligne simplement en raison de leur genre. Ce problème a des causes complexes et des conséquences néfastes pour les femmes et la société dans son ensemble. Pour y faire face, il importe d’insuffler une culture numérique aux filles dès le bas-âge. Dans un monde du tout numérique, les jeunes filles plus que tout le monde, sont des victimes désignées des cyber violences qui peuvent revêtir plusieurs formes.Les conséquences du Cyber-harcèlement sur les filles par exemple, peuvent être dramatiques. Elles vont de l’isolement, la perte de confiance en soi, la déprime, la dépression, à l’échec scolaire en passant par les problèmes de santé, la phobie scolaire.

D’où la nécessité de développer des solutions de protection pour cette catégorie de personnes particulièrement vulnérables aux violences faites aux femmes via le numérique qui leur permettront à la fois de tirer avantage des bienfaits du numérique notamment dans le domaine de l’enseignement tout en limitant ses impacts négatifs.

Le numérique un mal nécessaire

Analysant l’impact des TICS sur l’éducation des filles, Mbayame NDIAYE FALL, la Secrétaire Générale de l’ASFDU est d’avis qu’il faut mettre l’emphase sur une supervision et une sensibilisation précoce pour mettre les filles à l’abri des dangers qu’elles côtoient jours et nuits dans le net.  Il est ressorti de sa communication que la révolution numérique, accélérée par la crise sanitaire covid19, a apporté un changement majeur en matière d’enseignement avec ses avantages et ses inconvénients.  Dès lors, l’analyse de son impact sur l’éducation des filles devient un exercice nécessaire afin d’en prévoir une utilisation efficiente à en croire Mme Mbayame NDIAYE FALL.

Elle a informé que des études ont montré que « les TICS constituent un excellent outil qui permet aux filles d’avoir accès à l’éducation partout et à tout moment, et donc, de combler les disparités et favoriser le développement de leur plein potentiel ». En effet, les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont déjà élargi l’accès aux contenus pédagogiques de qualité, comme les manuels scolaires, les vidéos et l’enseignement à distance, et ce, à un prix nettement plus bas que par le passé. Elles ont le potentiel d’accroître la motivation des élèves en rendant l’apprentissage plus ludique et convivial ainsi dès le bas âge elles peuvent côtoyer le numérique et s’y former pour être compétitif au plan international. 

Cependant, autant l’éducation en ligne est sans frontière, autant la criminalité l’y est. Selon l’Internet Watch Foundation (IWF), 57 335 adresses universelles (URL) contenaient du matériel pédopornographique en 2016. Parmi les victimes de ces agressions, 53 % étaient âgées de 10 ans ou moins. Le nombre d’images d’enfants âgés de 11 à 15 ans étaient de 30 % en 2015 et de 45 % en 2016. Des recherches tendent de plus en plus à indiquer que les enfants les plus vulnérables en ligne sont les plus vulnérables hors ligne.

Mme Fall, est donc arrivée dans son développement à la conclusion « qu’une absence de supervision et un manque de sensibilisation peuvent les mettre en danger d’où la nécessité d’intervenir précocement dans leur vie afin de leur insuffler une culture numérique ».

Abondant dans le même sens que la Secrétaire Générale de l’ASFDU M. Bamba Bathily ingénieur en management de la Cyber sécurité et Président Cyber221 a fait une présentation sur : la « lutte contre la cyber violence envers les femmes : prévention, sensibilisation et prise en charge ». Dans sa présentation, M. Bathily a tour à tour identifié les différents types de cyber violence envers les femmes, déterminé les causes des Cyber violences faites aux femmes et révélé les conséquences des violences faites aux femmes sur le numérique. Il a mis l’accent sur le cas très courant du Cyber harcèlement en cernant ses contours et sa typologie et en montant ses caractéristiques avant de dégager quelques pistes de solutions pour lutter contre les cyber violences faites aux femmes.

Il est apparu dans sa présentation que « la cyber violence est un comportement violent ou intimidant qui se produit en ligne, souvent via les réseaux sociaux, les messages électroniques ou les jeux vidéo en ligne. Cela peut inclure des messages haineux, des menaces, des insultes, du harcèlement ou de la surveillance ». Les conséquences sont psychologiques, mais également sociales.

Quant au cyber harcèlement, qui fait partie de la cyber violence, c’est une forme de harcèlement via le numérique qui est défini comme « un acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule »

Le cyber-harcèlement se pratique via les formes de communication électroniques : téléphones portables, messageries instantanées, jeux en ligne, courriers électroniques, réseaux sociaux, site de partage de photographies etc.

La vice-présidente de l’ASFDU Mme Alimatou Tahirou, a salué les efforts entrepris par l’Etat du Sénégal en matière de lutte contre la cyber sécurité. Elle a rappelé à cet égard la mise en place d’un cadre juridique et des instruments de lutte contre la Cyber sécurité. Il s’agit notamment dela loi n° 2008-12 du 25 janvier 2008 portant sur la protection des données à caractère personnel et l’institution de la Commission de Protection des Données Personnelles (CDP) qui est une Autorité Administrative Indépendante (AAI).

Il s’agit aussi de la « Stratégie nationale de Cyber sécurité 2022 » (SNC2022) qui vise à créer un cyberespace de confiance, sécurisé et résilient pour tous, de la mise en place d’une Plateforme de lutte contre la cybercriminalité et de la division spéciale de cyber sécurité de la Police nationale du Sénégal.

Pour la Vice-Présidente de L’ASFDU, Mme Alimatou Tahirou, il faut éviter que la cybercriminalité soit un frein à l’usage du numérique dans l’éducation.

Pour ce faire, il faut s’investir dans la culture numérique selon Mme Tahirou et se poser les bonnes questions. C’est quoi la culture numérique ? C’est quoi la culture de la Sécurité numérique ?  Quelles bonnes pratiques à travers le monde en matière de cyber sécurité ? Quels sites à ne pas consulter ?  Citant l’exemple de la Chine, elle a expliqué que là-bas Tic Tok est utilisé pour augmenter les commandes contrairement dans nos pays.

Quelles solutions pour lutter contre la cyber violence ?

Nous sommes tous susceptibles de devenir victime de cybercriminalité ; l’affichage de notre photo sur une vidéo sans notre autorisation, les deep fakes, le body shaming, le sex torshion, la création de faux profils, l’utilisation d’un mauvais compte etc.

 Au niveau individuel, il y a des réflexes de base que tout un chacun doit connaître en cas de cyber attaque : la première chose à faire, c’est d’en parler, ensuite, éviter d’envoyer des données personnelles en ligne, notamment des photos ou images intimes, aller à la CDP qui oriente vers  des structures de lutte contre la cybercriminalité indiquées ou directement à la police.

Au plan collectif, étant donné que l’absence de supervision et de sensibilisation mettent en danger les enfants, une démarche holistique semble intournable. En travaillant ensemble, nous pouvons créer un monde en ligne sûr et respectueux pour les femmes et les jeunes.  En effet, pour une éducation de qualité, le renforcement de capacités des enseignants pour les mettre au même niveau d’information que leurs élèves, l’encouragement des enfants à se former au codage en plus des  programmes de sensibilisation des parents sont apparus comme des nécessités.

En définitive, « pour lutter contre les violences faites aux femmes sur le numérique, il est nécessaire de prendre des mesures concrètes, telles que l’éducation et la sensibilisation, le renforcement de la législation et des politiques publiques, l’implication des entreprises technologiques et la création d’espaces sûrs pour les femmes en ligne..». C’est l’avis de M. Samba Bathily, l’ingénieur en management de la Cybersécurité et Président de Cyber 221 qui œuvre dans la sensibilisation et l’éducation à la culture du numérique notamment dans les écoles.

Pour rappel, l’Association sénégalaise des femmes diplômées des universités (Asfdu) est une association composée de femmes diplômées du supérieur et engagées à soutenir bénévolement leurs sœurs et filles, particulièrement celles du monde rural, qui estime que le renforcement de la qualité dans l’éducation des filles passe par l’acquisition du niveau nécessaire pour gravir l’échelon secondaire et intégrer l’enseignement supérieur.

Par Bacary SEYDI