(Agence Ecofin) – Le ministre français en charge des Affaires étrangères et de la Coopération et son confrère en charge de l’Economie et des Finances ont présenté ce 20 mai 2020 en Conseil des ministres, le projet de loi portant sur la ratification de l’accord signé en décembre 2019 par la France et les pays membres de l’Union monétaire ouest-africaine (UEMOA), portant sur la réforme de la coopération monétaire entre les deux groupes de parties.

L’annonce faite par le porte-parole du gouvernement français, Sibeth Ndiaye (photo), a été relayée par plusieurs médias français comme étant la validation par la France de la fin du franc CFA. Il faut dire que ce projet de loi s’il est retenu, viendra entériner l’accord de réforme de coopération monétaire, dont seulement quelques grandes lignes ont changé, à savoir : le nom de la monnaie qui s’appellera désormais ECO, le retrait des réserves de change du compte d’opérations dans les comptes du Trésor public français et le renoncement à un représentant de la France dans les instances de la BCEAO.

Des éléments essentiels de la coopération monétaire entre la France et l’UEMOA demeurent avec des contours non connus

En revanche, des éléments jugés essentiels par la partie française, comme la garantie de couverture de la France et la parité fixe qui va avec sont maintenus.

Par ailleurs, si l’accord est ratifié en France, on devrait voir un processus similaire se dérouler dans l’ensemble des pays membres de l’UEMOA, or très peu d’informations ont filtré sur ce point précis.

Mme Ndiaye a parlé d’un texte « très attendu » en ressortant les grandes lignes de l’accord, mais elle n’a pas donné de détails sur certains points importants de cette réforme qui ne met pas fin à la coopération monétaire. Jusqu’à présent, personne ne sait ce que comportera le nouvel accord de garantie de la France qui doit faire l’objet d’un texte précis, et qui devra être validé par tous.

Dans le cadre des mécanismes qui ont encore cours actuellement, le pays du président Macron devrait prêter des devises à l’UEMOA, si ses réserves de change se situaient en dessous de 20% du total de ses importations. Ce mécanisme n’a jamais été activé depuis la dévaluation du franc CFA en 1994. « Nous avons travaillé avec la BCEAO sur un cadre de reporting sur des éléments d’informations financières, les évolutions monétaires, l’évolution des réserves, nous permettant d’avoir le même niveau d’information qu’avant, et un canal de dialogue pour que, quand on s’approche d’une situation où la garantie de l’Etat pourrait être appelée, on puisse faire valoir notre point de vue sur la restauration des grands équilibres », faisait savoir Guillaume Chambert, le responsable de coopération avec la zone franc CFA au sein du Trésor public français, alors qu’il présentait l’accord à la Commission des finances de l’Assemblée nationale française, le 12 février 2020.

La réforme de cette coopération monétaire divise les opinions africaines et les analystes

L’annonce de l’accord avait entraîné une vague de protestations au sein des opinions publiques africaines qui estiment que la persistance de la présence française dans le processus monétaire continue de représenter un problème. Une autre partie de l’opinion rejette les avantages tant vantés de la parité monétaire qui surévaluerait le franc CFA, et imposerait à des économies structurellement différentes de faire partie d’une même union monétaire. On attribue aussi à cette présence française, la décision du Nigeria et du Ghana d’intégrer l’ECO.

Les analystes de marché eux, ont une autre perception. Dans une note d’analyse produite au lendemain de l’annonce de cette réforme des accords monétaires, les agences de notation Moody’s et S&P Global Ratings ont salué une évolution importante, tout en indiquant que la solidité de cette réforme résidait dans le maintien de la garantie de convertibilité par la France. La pandémie de covid-19 et ses conséquences sur les réserves extérieures des pays de la zone franc CFA semblent confirmer cette thèse.

Il n’est pas certain que la date butoir du 1er juillet 2020 pour lancer la nouvelle monnaie ECO dans l’UEMOA soit respectée. Si la transformation symbolique s’opère comme prévu, il est à noter qu’à la mi-février 2020, la Banque de France qui produit les insignes monétaires de l’UEMOA n’avait pas encore reçu de commande pour des billets ECO. Enfin, certains responsables de l’UEMOA n’ont pas caché que le délai d’implémentation de la réforme des accords de coopération monétaire sera assez long. En réalité, la fin du franc CFA n’est pas pour demain.