Lumière Synergie pour le Développement (LSD) avec le soutien de Both ENDS, a organisé ce vendredi 5 avril 2024 un atelier de stratégie sur la Centrale à charbon Sendou pour les Associations environnementales et organisations communautaires de base, les femmes transformatrices de poissons qui exigent la délocalisation de ladite centrale. Ils pointent du doigt la Banque africaine de Développement, la Banque Néerlandaise de développement (FMO), la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) pour la non-conformité du projet avec leurs politiques sociales et environnementales respectives.

D’après les termes de références, le projet Sendou correspond à une centrale à charbon d’une puissance de 125 mégawatts, située à 35 km de Dakar, à Bargny (Sénégal). Et il a été approuvé en 2009 et financé par un consortium de Banques de développement comprenant la Banque Africaine de Développement (BAD), la Banque Néerlandaise de développement (FMO), la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD).

« Mis en place à l’époque pour résorber l’énorme gap énergétique du pays, il constitue aujourd’hui l’un des projets les plus problématiques dans le portefeuille de ces banques au cours des dix dernières années au Sénégal. En effet, les activités génératrices de revenus et les moyens de subsistance de plus de 1000 femmes transformatrices de poissons ainsi que des travailleurs saisonniers sont menacés à cause de la centrale à charbon », précise-t-on dans les TDR.

D’après l’Ong Lumière Synergie pour le Développement, les femmes transformatrices sont aujourd’hui contraintes de subir de multiples nuisances et cohabiter avec une installation classée dangereuse pour l’environnement, en violation du code de l’environnement du Sénégal.

« Depuis 2010, Lumière Synergie pour le Développement soutient les communautés locales de Bargny au Sénégal qui luttent contre l’implantation au coeur de leur village de cette infrastructure aux multiples impacts négatifs. Depuis 2016, les mécanismes de plainte de FMO et de la BAD tentent de diligenter la plainte pour non-conformité du projet avec leurs politiques sociales et environnementales respectives. En effet, ces banques ont failli à leur responsabilité en ne veillant pas au respect de leurs propres politiques. L’absence de progrès sur des problèmes cruciaux (litige foncier et réinstallation économique des femmes) dans les Plans d’Action préparés par les Directions des Banques (BAD et FMO) illustre parfaitement la complexité du problème mais surtout les préjudices irréversibles causés par la centrale à charbon. Le charbon responsable de 40% des émissions de CO2 à l’échelle mondiale selon le global carbon Project constitue une menace en ces temps de crises climatiques. Cependant, la BAD et FMO continuent de soutenir le projet Sendou qui génère 964554 tonnes d’équivalent CO2 par an », précise-t-on dans les TDR.

M. Cheikh Fadel Wade, président du Réseau des associations pour la protection de l’environnement et de la nature, souligne : «Notre seul objectif, c’est la délocalisation de la centrale. Il y a des gens qui pensent, est-ce que c’est possible mais nous savons que c’est bien possible parce que le charbon maintenant est révolu un peu partout dans le monde avec tous les maux que le charbon a causé à l’humanité. Nous savons que les centrales à charbon ; c’est la fin de l’ère des centrales à charbon. C’est pourquoi, même les autorités veulent maintenant faire la transition, elles sont venues à Bargny pour dire que la Centrale va être transformée à une centrale à gaz mais nous savons que c’est de l’utopie parce que le gaz et le charbon, c’est deux choses différentes ».

Et M. Wade de rajouter : « Notre lutte n’est pas peine perdue parce que le charbon, ce n’est pas seulement les communautés, l’ère du charbon est révolue. Nous ne sommes plus seuls dans le combat maintenant, il y a beaucoup de personnes qui sont en train de mener aussi ce combat. On va mettre la pression, on va continuer avec les nouvelles autorités, nous pensons qu’on aura gain de cause ».

M. Babacar Diouf, spécialiste suivi-projet -infrastructures, financé par la Banque Africaine de Développement (BAD) au sein de l’ONG Lumière Synergie Développement, souligne : « Au niveau de LSD, nous nous adressons surtout à la Banque africaine de Développement pour accompagner ces femmes parce que la Banque a mis en place des politiques de sauvegarde environnementales et sociales pertinentes et elle est tenue de les appliquer dans le projet Sendou comme dans tous ses projets en Afrique. Depuis 2009, la Banque a failli à ses obligations et aujourd’hui, cette situation a entraîné le déclin économique des femmes mais aussi mettent en danger l’intégrité ces femmes qui sont contraintes de cohabiter avec une installation classée dangereuse pour l’environnement et les établissements qui reçoivent du public ».

Il poursuit : « La situation des femmes transformatrices de poissons, est innégociable. Plus de 1000 femmes tirent leurs moyens de subsistance de ces activités de transformation mais également, le litige foncier, l’érosion côtière est vraiment exacerbée à Bargny et le site occupe 29 hectares, destinés aux victimes de l’érosion côtière. Donc, la Banque Africaine de Développement et les autres bailleurs, la banque néerlandaise de développement doivent tout faire pour cette situation soit remédiée ».

Quant à Mme Fatou Samb, présidente des femmes transformatrices, elle avance : « Les communautés à Bargny, sont en train de vivre des moments très difficiles parce qu’on a constaté que la centrale à charbon depuis qu’on l’a installée à Bargny, les communautés se sont levées comme une seule personne pour dire non à la centrale à charbon. Nous, les femmes transformatrices de poissons de Bargny, on a toujours refusé l’installation de la centrale à charbon de Bargny. Ceux qui sont maintenant au pouvoir, étaient venus à Bargny pour nous accompagner dans notre lutte contre la centrale à charbon. La BAD qui doit nous aider à nous développer, est impliquée dans cette affaire. Beaucoup de gens sont corrompus par la direction de la centrale à charbon. Une centrale à charbon qui ne peut payer ses prestataires, se permet de donner de l’argent à certaines personnes pour qu’elles disent qu’elles sont en phase avec eux. Les femmes transformatrices de poissons vont continuer à lutter pour la délocalisation de la centrale ».