Le groupe de la Banque mondiale se fixe pour objectif de réduire l’extrême pauvreté dans le monde à moins de 3 % d’ici 2030.
D’après la Banque mondiale, avec 71 millions de personnes de plus vivant dans l’extrême pauvreté en 2020 par rapport à 2019, la crise de la COVID-19 a provoqué la pire régression dans la réduction de la pauvreté mondiale depuis des décennies. Et un examen plus approfondi des tendances montre que les choses ne sont pas aussi simples et que les progrès en matière de réduction de la pauvreté ralentissaient déjà avant la pandémie.
Des progrès plus lents
« De 1990 à 2014, le monde a fait des progrès spectaculaires dans la réduction de l’extrême pauvreté, dont plus d’un milliard de personnes ont bénéficié. Ainsi, le taux mondial de pauvreté a diminué de 1,1 point de pourcentage par an en moyenne, passant de 37,8 % en 1990 à 11,2 % en 2014 », souligne la Banque mondiale.
Et la banque de poursuivre : « Au cours de la période qui a suivi, entre 2014 et 2019, la réduction de la pauvreté a en revanche fléchi à 0,6 point de pourcentage par an, soit le rythme le plus lent des trois dernières décennies. La pauvreté a diminué en moyenne d’au moins un point de pourcentage par an sur toutes les périodes de cinq ans antérieurs à 2015, à l’exception du cycle 1995-2000, quand la crise financière asiatique a entraîné une hausse de la pauvreté mondiale pendant deux années consécutives (1996-1998) ».
D’après le document, bien qu’il soit mathématiquement plus difficile de maintenir le rythme de réduction à des taux de pauvreté plus faibles, cela n’explique pas fondamentalement le ralentissement observé entre 2014 et 2019. Et la principale raison de cette tendance est que l’extrême pauvreté se concentre de plus en plus dans les régions où la croissance du revenu par habitant est plus faible.
Des progrès inégaux
« Deux régions sont pour l’essentiel à l’origine de la réduction de la pauvreté dans le monde entre 1990 et 2014 : l’Asie de l’Est-Pacifique et l’Asie du Sud. En Asie de l’Est-Pacifique, le taux d’extrême pauvreté a chuté de 66 % en 1990 à 4 % en 2014. En Asie du Sud, il a été ramené de 50 % en 1990 à 18 % en 2014. Ces deux régions représentaient donc en 2014 une part beaucoup plus faible de l’extrême pauvreté dans le monde. En revanche, le rythme de réduction a été beaucoup plus lent en Afrique subsaharienne, où le taux de pauvreté est passé de 60 % en 1990 à 38 % en 2014 », souligne la source.
Selon le document, après 2014, l’Asie du Sud a été la seule région du monde comptant une proportion considérable de pauvres à maintenir une courbe de baisse substantielle. Et entre 2014 et 2019, la région a réduit de moitié son taux d’extrême pauvreté, qui est tombé à 9 %. En Afrique subsaharienne, alors que la croissance du PIB a ralenti et que la population a continué à croître rapidement, le taux de pauvreté n’a baissé que de trois points de pourcentage pour s’établir à 35 %.
« De ce fait, la part de cette région dans l’extrême pauvreté mondiale a atteint 60 % en 2019 : sur les 648 millions de personnes en situation d’extrême pauvreté dans le monde, 389 millions vivaient en Afrique subsaharienne. Ce chiffre est six fois plus élevé que la part de la région en 1990, quand elle ne représentait que 13 % du total », renseigne la Banque mondiale.
Quelles conséquences au regard des objectifs visant à mettre fin à l’extrême pauvreté dans le monde ?
Toujours d’après la source, ces tendances régionales ont des répercussions importantes sur notre capacité à réaliser le premier Objectif de développement durable, à savoir l’éradication de la pauvreté dans le monde d’ici 2030, ou l’objectif du Groupe de la Banque mondiale de réduire l’extrême pauvreté dans le monde à moins de 3 % d’ici 2030.
Et les estimations au-delà de 2019 se fondent sur les données de Mahler, Yonzan et Lakner (2020) pour 2020, et sur les prévisions de croissance des Perspectives économiques mondiales pour les années 2021 à 2024. Selon la Banque mondiale, au-delà de 2024, les projections du taux de pauvreté reposent sur la croissance moyenne historique de chaque pays sur la période 2010-2019.
Nous estimons que la pauvreté diminuera pour tomber à moins de 3 % de la population dans la plupart des régions d’ici 2030 , bien que l’insuffisance des données rende les projections incertaines pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Néanmoins, pour qu’un tel objectif soit atteint en Afrique subsaharienne, il faudrait que chaque pays de la région connaisse une croissance environ huit fois supérieure aux taux annuels moyens enregistrés entre 2010 et 2019.
Selon un scénario plus réaliste, nous anticipons que 30 % de la population d’Afrique subsaharienne vivra encore dans l’extrême pauvreté en 2030, ce qui porterait le taux mondial d’extrême pauvreté à près de 7 % en 2030, soit plus du double de l’objectif de 3 % fixé par le Groupe de la Banque mondiale.
Combattre la fragilité
Toujours selon la Banque mondiale, les niveaux élevés de pauvreté en Afrique subsaharienne s’expliquent notamment par le lien étroit entre extrême pauvreté et situation de fragilité ou de conflit. Et seulement 10 % de la population mondiale vit dans des pays fragiles, mais ces derniers abritent 40 % des personnes vivant dans l’extrême pauvreté.
« Sur les 46 pays africains pour lesquels on dispose de données sur le suivi de la pauvreté, 19 étaient en situation de fragilité et de conflit en 2019. Il s’agit notamment du Nigéria, le pays le plus peuplé de la région, qui a enregistré peu de progrès dans la réduction de la pauvreté au cours de la décennie précédant la pandémie. Il d’agit également de la République démocratique du Congo, le deuxième pays le plus pauvre de la région, où plus de la moitié de la population vivait dans l’extrême pauvreté en 2019 », précise-t-on dans le document.
Et le document de rajouter : « La fragilité a également contribué à la hausse de la pauvreté au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les taux d’extrême pauvreté y sont encore relativement faibles, mais il s’agit de la seule région où les niveaux de pauvreté ont augmenté depuis 2014, sous l’effet principalement de la situation des économies fragiles et touchées par des conflits ».
La Banque mondiale estime que les dernières données pour la région indiquent un taux d’extrême pauvreté de 7,5 %, soit trois fois plus qu’en 2014. Et cependant, les estimations pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont marquées par un fort degré d’incertitude.
« En raison de l’absence de données d’enquête récentes pour certains pays, le taux de couverture des données dans la région est passé sous la barre des 50 % en 2019, ce qui empêche la publication d’une estimation régionale de la pauvreté. Les dernières données datent de 2018 », explique-t-on dans le document.