Le Fonds Monétaire International (FMI) estime que la dette climatique peut être estimée à 80 000 milliards de dollars entre 2019 et 2035 à l’aide des émissions effectives et prévues.
« La dette climatique peut être estimée à l’aide des émissions effectives et prévues, et du coût social du carbone, qui mesure les répercussions économiques par tonne de CO2 émise. Nous arrivons à une dette colossale, d’environ 59 000 milliards de dollars pour la période 1959–2018, qui devrait augmenter de 80 000 milliards de dollars entre 2019 et 2035. Le montant de la dette climatique d’un pays reflète à la fois la taille de son économie (corrélée positivement aux émissions) et l’intensité de son utilisation des combustibles fossiles (et donc sa production d’émissions) pour chaque dollar de production économique », précise le Fmi dans un document.
Et la source de poursuivre : « La ventilation de la consommation d’énergie (utilisation intensive de charbon, par exemple) a aussi une incidence. En 2018, les premiers contributeurs étaient les États-Unis (14 000 milliards de dollars), suivis de la Chine (10 000 milliards de dollars) et de la Russie (5 000 milliards de dollars). À compter de 2018, les pays en développement représenteront une part plus importante de la dette climatique, du fait de leur croissance économique comparativement plus vigoureuse ».
Toujours d’après la source, on peut faire valoir que tous les êtres humains ont le même droit à un environnement épargné par le changement climatique et, partant, que les pays dont la dette climatique est importante en raison de leurs fortes émissions devraient dédommager les pays ayant moins dégradé l’environnement.
« Nos données laissent apparaître des disparités notables d’un pays à l’autre en ce qui concerne la dette climatique par habitant, qui présente son niveau le plus élevé aux États-Unis (environ 6 fois supérieure à celle de la Chine pour la période 1959–2018 et 25 fois supérieure à celle de l’Inde). Pour 2019–35, c’est encore aux États-Unis qu’elle sera la plus élevée et elle augmentera en Chine jusqu’à dépasser le niveau prévu dans l’Union européenne », poursuit la source.
Le FMI estime que la dette climatique est très lourde quand on la compare à la dette publique. Dans les pays du G20, elle équivaut à environ 81 % du PIB, alors que la dette moyenne des administrations publiques s’élevait à 88 % du PIB en 2020. Et la dette climatique est donc considérable par rapport à la charge budgétaire que devraient engendrer les hausses des dépenses publiques pour la santé et les retraites. La source précise qu’en valeur actualisée nette, ces dépenses devraient s’élever à 25 % du PIB en moyenne dans les pays du G20 entre 2020 et 2035.
« Pour évaluer les plans de réduction des émissions et leurs incidences probables sur la dette climatique, nous étudions deux scénarios. L’accord de Paris de 2015 a établi un cadre visant à ce que le réchauffement demeure bien en deçà de 2 degrés et que les efforts se poursuivent pour le limiter à 1,5 degré de plus que la température moyenne de l’ère préindustrielle. Cet accord repose sur un plan d’action climatique quinquennal. Tous les cinq ans, les pays présentent des mesures non contraignantes de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour atteindre les objectifs : il s’agit des contributions déterminées au niveau national (CDN) », mentionne la source.
La dette continue de s’accumuler
« Dans notre premier scénario, nous évaluons les effets d’une mise en œuvre complète de l’ensemble des CDN sur la dette climatique, en supposant que les émissions nationales diminueront progressivement dans chaque pays jusqu’à atteindre l’objectif de 2030. Il en résulte une réduction de l’accumulation de la dette climatique de 9 600 milliards de dollars (24 %). Bien qu’appréciable, cette baisse est négligeable au regard de l’accumulation que nous prévoyons pour 2019–35. De surcroît, les pays où les émissions reculent sensiblement (Chine, États-Unis) resteraient néanmoins les principaux responsables de l’accumulation de la dette climatique (12,9 et 5,4 milliards de dollars, respectivement). À elle seule, la mise en œuvre des CDN ne permet donc pas de répartir équitablement entre les pays le fardeau lié à la réduction de la dette climatique », souligne le Fmi.
Et la source de rajouter : « Dans notre second scénario, nous évaluons la diminution des émissions et des dettes climatiques qui serait nécessaire, au-delà des promesses contenues dans les CDN, pour atteindre l’objectif de 1,5 degré fixé par l’accord de Paris. Dans ce contexte, il semblerait logique de demander aux pays présentant une lourde dette climatique de participer davantage au comblement de l’écart. D’ailleurs, de nombreux pays avancés dont la dette est importante, comme les États-Unis, le Japon et l’Allemagne, se sont déjà engagés dans leurs CDN à réduire fortement leurs émissions d’ici 2030 ».
Et le Fmi souligne que cet exercice démontre qu’il pourrait être impossible, d’ici à 2030, de réduire les émissions d’une manière qui soit jugée équitable, compte tenu de la part décroissante des pays avancés dans les émissions mondiales. Et à la place, les pays avancés devraient peut-être s’attacher à réduire leurs émissions sur une période plus longue ou à indemniser fortement les pays en développement pour les dommages provoqués par le changement climatique, avec par exemple des financements plus généreux pour l’action climatique.
Le rôle de la politique budgétaire
« La fiscalité et les politiques de dépenses publiques sont des outils efficaces pour contrôler l’accroissement de la dette climatique. Or les pays peinent à mener leur action climatique en raison des conséquences économiques de la pandémie et de l’augmentation brutale de la dette publique qui en a résulté. Les États-Unis et l’Europe ont adopté des mesures de grande envergure pour subventionner les énergies propres et ainsi réduire la dette climatique, mais les pays en développement n’ont pas les moyens d’en faire de même, faute d’un espace budgétaire suffisant. Cela étant, les deux groupes de pays devraient mettre l’accent sur les recettes, en particulier sur une augmentation de la fiscalité appliquée à l’énergie, les taxes carbones permettant de diminuer la dette climatique. Ces mesures feraient baisser les émissions tout en aidant les pays à financer d’autres dépenses. La taxation du carbone doit s’accompagner de mesures budgétaires complémentaires afin de compenser les effets négatifs à court terme de la taxe sur les ménages à faible revenu », précise la source.
Le choix du pragmatisme
« La dette climatique créée par les émissions de CO2 est considérable et inégalement répartie. Son poids et les disparités entre les pays dans ce domaine augurent d’âpres débats sur la juste répartition des contributions au ralentissement du changement climatique et le niveau d’aide à apporter aux pays en développement pour compenser ces écarts. La dette climatique par habitant devrait être beaucoup plus élevée dans les pays avancés que dans les pays en développement, même avec une mise en œuvre complète des CDN des pays du G20. Cela pourrait donc nécessiter des efforts supplémentaires de la part des pays avancés afin que le fardeau de la lutte contre le changement climatique soit équitablement réparti », note la source.